Ouest-France
(31 août 2016)
Ouest-France – 31 août 2016 – « Pour une écologie de l’humanité »
Pourquoi se battre pour sauvegarder la Terre, notre « maison commune », si c’est pour laisser l’humanité s’autodétruire ?
La conscience de la fragilité de nos écosystèmes est presque acquise. Les dégâts sont sous nos yeux : pollution, défiguration des paysages, perte de la biodiversité. Chacun sait que nous devons faire des efforts personnels et collectifs pour préserver l’environnement, afin de transmettre aux générations à venir une nature hospitalière, un air respirable et une planète habitable.
Mais quelle humanité allons-nous léguer au futur ?
Question étrange ? Elle s’avère au moins aussi cruciale que le défi environnemental. Car les repères d’humanité hérités de nos ancêtres sont contestés. Alors que nous avons tous été conçus d’un homme et d’une femme, alors qu’au début de son existence chacun s’est développé pendant des mois à l’intérieur d’un corps maternel, les « déconstructeurs » ne se cachent pas de vouloir casser ces murs porteurs de notre identité. Ils s’acharnent sur la famille, avec laquelle ils règlent en général de douloureux comptes personnels. Pour s’en « libérer », ils nient la valeur de la fidélité sexuelle. Ils tablent sur les fulgurants progrès des biotechnologies pour aboutir à un homme « hors-sol », sans attaches, déraciné. Certains scientistes vont jusqu’à pronostiquer la fin de l’homo sapiens basique, à remplacer par le post-humain unisexe et tout-puissant, homme-dieu sans Dieu, fusion artificielle entre chair et machine.
Menace d’un nouveau totalitarisme
Des dérives spectaculaires alimentent leurs fantasmes : en Allemagne, une personne transsexuelle a tenu à accoucher comme « père » (à l’état civil) de son enfant, dont elle n’a pas voulu dire le sexe.
En Grande-Bretagne, la conception artificielle de bébés à trois parents génétiques (deux mères et un père) est désormais légale. En Chine, des chercheurs modifient génétiquement des embryons humains… D’autres annoncent « l’utérus artificiel », soit la gestation complète hors du corps féminin.
Devrions-nous abandonner la parité universelle homme-femme dont nous sommes tous nés, la gestation corporelle marquée par la richesse des relations intra-utérines entre la mère et son enfant, et la famille, écosystème de base de toute société humaine ? On serait en droit de se révolter : ce serait un flagrant déni d’écologie humaine ! Car ces repères originels fondent la nature de l’homme : recevoir et transmettre la vie gratuitement, c’est la source de la bienveillance et de l’altruisme.
Notre enracinement dans une histoire personnelle – biologique, familiale et géographique – nous aide tous à nous reconnaître libres, égaux et frères.
Quel sens aurait la liberté si les enfants étaient programmés selon les désirs impératifs de « commanditaires » ? Quel sens aurait l’égalité s’ils étaient conçus et achetés comme des objets industriels qu’on vérifie et qu’on trie, pour éliminer les « ratés » comme de vulgaires déchets ? Et que deviendrait la fraternité dans une société amputée de la famille, lieu où l’on apprend tant bien que mal à se respecter et à s’aimer sans s’être choisis ?
Il est temps de protéger l’altérité sexuelle dans l’engendrement, la gestation dans le corps maternel et la famille comme lieu naturel d’épanouissement de la vie, sans oublier l’intégrité de notre génome, que l’Unesco reconnaît comme patrimoine de l’Humanité. Face à la menace d’un nouveau totalitarisme technologique, la pérennité de notre société passe par le respect du corps sexué. Précieux, fécond et fragile. Humble creuset de toute humanité.
Point de vue de Tugdual Derville, paru le 31 août 2016 dans Ouest-France.